« Le bois. Ça a jamais été mon fort. Mais bon. C’est ça qui va me mener à avoir ma terre. Faque je m’endure. »
Rendez-vous dans ce beau pays qu’est le Canada, plus précisément dans la province québécoise pour découvrir le village de Guyenne autrement appelé La Petite Russie. L’auteur Francis Desharnais nous livre une histoire, la sienne mais aussi celle des habitants et de cette colonie évoluant dans un cadre boisé souhaitant vivre une nouvelle vie loin des villes mais surtout pour avoir un travail. C’est dans cette atmosphère que nous allons suivre Marcel et Antoinette Desharnais pendant plusieurs années, ayant tout quitté pour partir bucher du bois afin d’obtenir leur terre et donc leur indépendance.
A travers cette histoire, Francis Desharnais narre le passé de son grand-père ainsi que des habitants de Guyenne. Il montre au travers de ces cases en noir et blanc la difficulté de vivre sur une terre qu’on ne connait trop peu et que la seule source de rendement c’est le bois. Mais qu’en est-il de nos rêves ? Ceux de posséder sa propre terre, ceux d’être indépendant. Nous vivons au travers des dessins, la vie d’une colonie, dont 50% des récoltes sont reversées à la coopérative afin d’étendre le village et le faire évoluer. On comprend très vite que les choses ne se passeront pas comme prévu pour des raisons humaines mais étroitement liées à la situation géo-politique du monde à cette époque.
Une histoire de colonie oui, mais surtout de famille.
La Petite Russie est une lecture très plaisante où l’on prend coeur à découvrir l’arrivée de Marcel Desharnais dans le village Guyenne où tout est à faire. Au fur et à mesure de la lecture nous allons traverser les différentes étapes de la vie du protagoniste. De son arrivée dans la colonie, son mariage, les enfants et évidemment son rêve. C’est également au travers de sa pensée, qui est narrée, que l’on va comprendre ses émotions. L’arrivée du premier enfant, le gain d’une terre, les premiers échecs. Tant d’événements qui permettent au lecteur de montrer la réalité, d’une époque compliquée. L’auteur retranscrit à merveille, les expressions de son grand-père, tellement qu’il est difficile de ne pas reciter le vocabulaire québécois avec cet accent si unique. C’est également un bel hommage que Francis Desharnais offre à son grand-père. En partageant avec nous l’histoire de sa famille, il nous livre une histoire d’indépendance et de partage.
Le reflet d’une société qui évolue.
Au delà de la partie familiale, La Petite Russie rappelle un contexte d’après guerre mais également d’une société qui évolue. Le principe de la coopérative et donc le système de partage trouve rapidement une limite lorsque chaque participant ne travaille pas avec la même conviction ou le même labeur. C’est également au niveau des attentes de ce bout de terre que les conflits naissent dans ce modèle. Entre le rêve d’indépendance et le travail du bois dont il est difficile de se détacher pour son rendement. Vient également un débat prouvant l’évolution de la société au fil du temps, le féminisme. Le sujet de la place de la femme, porté par Antoinette, dans la colonie ainsi que de son droit de participation et expression à l’évolution du village aura une importance dans le dénouement de l’histoire.
Conclusion
La Petite Russie, c’est un coup de coeur. Cette bande dessinée narre des faits datant mais les sujets qui en ressortent s’ancrent parfaitement dans notre actualité. Nous vous conseillons sa lecture, ne serait-ce que pour son authenticité et son originalité d’écriture. Les dessins sont relativement simplistes mais gage d’une qualité collant parfaitement avec l’histoire racontée par Francis Desharnais en hommage à sa famille. Le livre est également complété d’un postface de l’auteur mais aussi d’une bibliographie et filmographie sur Guyenne, de quoi prolonger l’expérience.
