Evil Dead, c’est bien, c’est même très bien. En voilà de la critique de haut niveau n’est-ce pas ? Tout a été dit sur la trilogie culte de Sam Raimi alors autant s’arrêtait là au niveau des présentations et entrer dans le vif du sujet : Ash vs Evil Dead. En ce qui concerne le show de Starz, le constat est un peu différent. Passé un pilot réalisé par le grand Sam, histoire de nous rappeler qui est le boss dans le domaine, et une première saison qui réussissait comme pur divertissement old school, la série semblait, déjà, s’enfoncer dans une routine de moins en moins convaincante au cours d’une seconde saison pas aidée, il est vrai, par quelques différends créatifs en coulisse amenant à un changement de showrunner en cours de route. C’est donc avec quelques craintes que l’on attendait la troisième saison d’un show qui se devait d’aller de l’avant et surtout de relever le niveau.
Je parlais de changements en coulisse dans l’introduction mais il faut bien dire qu’en terme d’esprit, cela ne se ressent pas particulièrement. Après tout, Robert Tapert est toujours à la production alors que Ivan Raimi continue de chapeauter, lui aussi, le show. Ainsi, Ash vs Evil Dead reste Ash vs Evil Dead. L’esprit sale gosse et over the top demeure présent tandis que le casting, brillant avec Bruce Campbell en tête, semble s’amuser toujours autant à l’écran. C’est tant mieux et c’est surtout salutaire durant la première moitié de cette saison qui propose plus ou moins la même recette utilisée depuis les débuts du show. Il faut alors faire avec une écriture souvent en roue libre qui suit, épisode après épisode, un schéma identique (une intro avec quelques effets gore / deux trois blagues dans les scènes qui suivent / une séquence de combat contre un Deadite…). Au niveau de sa trame narrative Ash vs Evil Dead se répète donc souvent, semble même jouer la montre alors que les scénaristes ne nous laissent entrevoir qu’à de rares occasions leur désir de véritablement renouveler les conflits entre les protagonistes sans que ça ne soit désamorcé bien trop vite par des pitreries déjà vues ou entendues dans la série. Plus décevant encore, quand les créateurs osent enfin mettre en avant de vrais enjeux émotionnels et des séquences avec des conséquences importantes, il semble toujours y avoir une porte de sortie facile laissée entrouverte.
Malgré tout ça, et c’est peut-être contradictoire avec le paragraphe précédent, dans cette troisième saison, Ash vs Evil Dead s’impose à nouveau comme un divertissement absolument jouissif. Même si les facilités scénaristiques se retrouvent jusqu’au bout, notamment dans la résolution d’un des conflits majeurs de la série, vite expédiée en trois minutes, il se dégage une vraie impression de montée en puissance dans la saison jusqu’à un double épisode final qui fait honneur à la saga de Ash Williams. Au delà donc d’un scénario global parfois tiré par les cheveux, qui sent bon la grosse série B, Ash vs Evil Dead puise ses forces dans sa capacité à s’imposer comme un divertissement fou comme il n’en existe plus beaucoup à notre époque aseptisée de tous les côtés, ainsi que dans ses nombreuses références à la mythologie des films originaux qui permettent de rendre hommage à la vision de Sam Rami sans la trahir.
C’est alors bien l’esprit du show qui fait la différence. En offrant, comme il se doit, un mélange d’horreur, de gore, de comédie et de slapstick dans des séquences qui prennent un malin plaisir à en faire baver aux personnages principaux, le show assume son héritage en allant même parfois très loin dans le délire visuel et l’aspect cartoon dégénéré propre à Evil Dead. Il suffit de voir une certaine séquence opposant Ash à une Deadite décapitée et un bébé possédé ou encore une scène de baston dans une banque de sperme d’un mauvais goût assumé pour s’en convaincre. Même si la série est loin de parvenir à reproduire les exploits formels de Sam Raimi (mais qui en est capable ?!) et reste peut-être trop sage en terme de mise en scène, elle sait quand même jouer habilement avec les codes du genre en mettant en avant quelques pointes d’inventivité visuelle quand il le faut. Cet aspect se retrouve notamment dans la générosité dont fait preuve le show en matière d’effusion de sang et dans l’utilisation, régulière et bien venue, d’effets spéciaux pratiques.
Evidemment, la série est aussi ce qu’elle est grâce au personnage de Ash Williams. Pour le coup, les scénaristes mettent en oeuvre tout ce qu’ils peuvent pour faire évoluer le bougre interprété par Bruce Campbell. Cela se trouve dans la relation père / fille qui joue le rôle de fil rouge de toute la saison. Ash découvrant d’entrée l’existence de sa fille, résultat d’une aventure conclue sur la banquette arrière de sa « Classic » Delta 88 dix-huit ans plus tôt. Cette relation, d’abord légèrement stéréotypée, va se révéler assez efficace à mesure que la saison avance jusqu’à une conclusion ayant une vraie portée émotionnelle. Ce personnage de Brandy, interprété par Arielle Carver-O’Neill, va d’ailleurs avoir droit à sa séquence purement ash-williamsesque durant laquelle elle va vivre la version moderne des traumatismes subis par son père dans les films, histoire de nous rappeler que la magie Evil Dead, ou plutôt sa sorcellerie, transcende les générations. Enfin, durant le double épisode final, qui représente un des sommets de la série, alors que les créateurs du show se permettent, enfin, de faire apparaitre des failles dans l’armure que Ash porte depuis sa découverte du Necronomicon en nous laissant entrevoir l’homme brisé par des années de lutte contre les pouvoirs du mal, c’est bien le discours de sa fille qui va l’aider à remettre une dernière fois le pied à l’étrier et le pousser à assumer définitivement son rôle de sauveur de l’humanité, amenant la série à une séquence finale fantastique en territoire lovecraftien.
Hélas, le destin est parfois cruel et c’est juste avant la diffusion des deux derniers épisodes que le network Starz a annoncé l’annulation de la série. Ash vs Evil Dead nous laisse alors sur une dernière scène, une dernière promesse alléchante de ce qui aurait pu être un changement de cadre radical pour la suite des aventures de notre héros. Une suite que nous ne verrons probablement jamais, si ce n’est dans nos fantasmes les plus fous. Une fois la frustration passée et en allant au delà des regrets qui suivent la prise de conscience qu’il s’agit peut-être de la dernière apparition de Ash à l’écran, il ne reste qu’à se satisfaire du fait que le show nous a permis de le quitter sur une note à la hauteur de son mythe. Finalement, après plus de 30 ans de bons et loyaux services à s’en prendre plein la tronche en charcutant du démons, « El Jefe » a bien mérité de raccrocher son boomstick au mur et de ranger la tronçonneuse au garage.